AOC Gruyère, Suisse ou France ?
Le gruyère est-il suisse ou français? Qui ne s'est pas posé la question lors de discussions enflammées avec des amis suisses?
Les historiens du gruyère rappelleront que ce mot vient du terme "gruyers" qui désignait les officiers de l'empereur Charlemagne chargés de collecter l'impôt sous forme de fromage. Les partisans du gruyère suisse ne manqueront pas de souligner que c'est bien évidemment en Suisse que se trouve la commune de Gruyère.
Au delà du débat historique, un constat s'impose. Les deux fromages sont tout de même assez éloignés l'un de l'autre, aussi bien en terme d'aspect (le gruyère français a des trous alors que son voisin suisse n'en a pas), qu'en terme de goût. La Suisse donna à son fromage le label AOC en 2001 et la France approuva l'AOC gruyère français en 2007 mais ces trois dernières années ont vu s'envenimer les relations entre les producteurs des deux pays lorsque la France demanda à la Communauté Européenne de classer le gruyère français en AOP (Appellation d'Origine Protégée).
La Suisse décida de contre attaquer en réclamant elle aussi ce précieux sésame. Après plusieurs années de procédures et l'intervention des autorités françaises et suisses, force est de constater que le dossier français paraissait un peu faible face aux solides arguments de la Suisse. Le gruyère suisse est en effet produit et affiné sur une zone clairement définie du canton de Fribourg alors que le gruyère français voit sa zone d'affinage déborder largement de la zone de production (ce qui est en contradiction avec les critères d'attribution de l'AOP). Autre argument et non des moindres, la Suisse produit chaque année un peu moins de 30 000 tonnes de gruyère alors que la France n'en produit que 3 000.
La Commission Européenne a donc définitivement tranché cet été en attribuant l'Appellation d'Origine Protégée au seul gruyère suisse. La France a décidé de s'incliner et d'accepter le classement en IGP (Indication Géographique Protégée) de son fromage. Ce classement moins prestigieux permet néanmoins aux producteurs français de conserver le droit d'utiliser le terme de gruyère. Cette décision a d'ailleurs été confirmée par le Syndicat Interprofessionnel du Gruyère (français) qui a estimé que c'était la "solution la plus sage".
La guerre des fromages n'aura donc pas lieu et la décision française a le mérite de clore un long débat sur un compromis qui devrait satisfaire les deux parties.
Rendons à César ce qui appartient à César: nos amis suisses, sans en avoir l'exclusivité, pourront se targuer de produire la seule véritable AOP Gruyère.